Les passeurs ...
rideau
les passeurs de la ligne de démarcation
Si dans le cours de ma vie clandestine, la pression de l'ennemi se faisait trop vive, je pouvais tenter de me mettre au vert, comme on disait, en changeant d'air ou en réduisant pendant quelque temps mon activité. Mais les passeurs auxquels nous avions recours habitaient le plus souvent tout près de la Ligne, y ayant leur ferme, leur atelier, leur bureau, et aussi leur foyer qu'ils ne pouvaient quitter sans l'exposer à l'impitoyable vindicte des Allemands. Ce fut le cas de Paul Kern, dont j'ai parlé plus haut : prévenu que la Gestapo était passée chez lui en son absence et qu'elle reviendrait le lendemain, il se dit que si l'on ne le trouvait pas dans sa maison, sa femme et ses enfants seraient déportés à sa place. Il y revint donc, fut arrêté, soumis aux méthodes d'interrogation qu'on connaît, puis emprisonné et déporté. A s'entendre dire qu'il s'était comporté en héros, il se serait senti gêné, tout comme l'admirable jeune femme qui s'appelait Lucienne Ucelli et qui, non loin de là, avait remplacé dans ses passages son mari frappé par la maladie. Déportée à Ravensbrück, elle fut gênée quand elle revint d'Allemagne de se retrouver dans son hameau seule survivante entre les passeurs qui avaient eu comme elle à payer le prix de leur dévouement, fait tout autant de charité que de patriotisme.
Bien entendu n'ont pas droit au beau titre de passeurs les misérables qui s'appliquèrent à tirer profit des angoisses du temps en monnayant très cher leurs services, se transformant souvent en escrocs ou en voleurs, et devenant parfois même assassins pour s'emparer d'une mallette qu'ils savaient contenir de l'argent ou des bijoux. Ces gens-là demeurent indignes même s'il leur advenait de remplir l'office pour lequel ils se faisaient grassement payer. Combien de passeurs, tout au contraire, glissaient un billet de banque dans la poche du prisonnier de guerre évadé d'un Stalag d'Allemagne pour lui permettre de prendre le train une fois qu'il aurait franchi clandestinement la Ligne ! Combien ( j'en ai connu pour ma part, auxquels je voue une infinie reconnaissance ) se dépouillaient des quelques provisions péniblement amassées pour faire honneur àleur hôte d'un soir dont la présence leur faisait pourtant courir un risque de mort !.
anecdote
accueil
Accueil
La ligne de démarcation